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== Questions générales == **Maëlle Destexhe :** //Je citerai le nom de ton projet de dungeon synth, Garvalf, dans le texte de mon mémoire mais, si je parle de toi, l’artiste derrière le projet, comment souhaites-tu être présenté (Garvalf, pseudonyme d’artiste, nom et prénom, …) ?// **Garvalf :** Étant un pseudonyme utilisé depuis près de 20 ans et caractérisant mes travaux actuels, Garvalf à défaut d’être nécessaire sera bien suffisant. **M. D. :** //Peux-tu te présenter (région, âge, emploi, études, hobbies, goûts musicaux, autres projets musicaux, …) ?// **G. :** J’habite dans l’Est de la France, près de Troyes, une ville riche par son histoire médiévale. Après quelques années à Paris ainsi qu’en Norvège du temps de mes études, je suis retourné m’établir dans ma région natale, en Champagne. J’aurai un demi-siècle l’année prochaine (2026), et tout ce temps a été ponctué de lectures, écritures, compositions et créations diverses. J’essaye de regrouper la plupart de mes projets musicaux sous l’étiquette Garvalf, mais si cela devait déborder de mon style habituel, je choisirais éventuellement un nouveau nom. Je joue également de la basse dans un petit groupe de reprises local, dans l’optique de travailler l’instrument et les improvisations. **M. D. :** //Comment définis-tu le dungeon synth en quelques mots ? En quoi est-il différent du dark ambient ?// **G. :** Le Dungeon Synth (DS) est le pendant instrumental et au clavier du Black Metal (BM). À l’origine issu des introductions de disques ou de titres individuels du Black Metal, il a évolué dans un style à part entière, jusqu’à remplir des albums complets. Contrairement aux groupes de metal, de par sa nature le DS est quasi exclusivement une œuvre solitaire, c’est pourquoi je parlerai souvent de « projets » au lieux de « groupes » lorsqu’il s’agit de DS. J’ai l’impression que l’imaginaire francophone vis à vis de ce terme est un peu altéré par le fait que Dungeon signifiant « cachot » en anglais tandis que le faux-ami Donjon qui s’impose se situe à l’opposé, non plus sous le niveau du sol mais dans les hauteurs. Il ne faut bien entendu pas se focaliser sur cette dénomination qui est au pire réductrice voire castratrice, au mieux un pis-aller pour définir quelque chose d’indéfinissable. C’est un peu comme le jeu de rôle //Dungeons & Dragons// qui se déroule très souvent hors des cachots... Le Dark Ambient, s’il s’en rapproche un peu dans la forme, présente une différence dans le fait qu’il n’est pas forcément corrélé à l’univers et à l’ambiance du Black Metal. Et même si c’est moins vrai de nos jours, on trouvait également une recherche d’expérimentation sonore et parfois de malsain, d’occulte et de morbide plus présent dans le « dark ambient », ce qui peut sembler un peu contradictoire vu la filiation avec le Black Metal. Néanmoins, et cela de façon pas toujours très originale, beaucoup de projets que l’on qualifierait maintenant de DS tirent leurs inspirations de l’œuvre de Tolkien qui présente des traits moins lugubre que le satanisme par exemple, car chez Tolkien c’est la lumière qui gagne au final. Pour terminer, si je devais faire une analogie un peu hasardeuse je dirais que le Dark Ambient se rapprocherait plus de la musique industrielle, en tirant son inspiration de la technologie et d’une époque contemporaine ou futuriste, ce qui est confirmé par une recherche rapide dans les compilations de Dark Ambient sur une plateforme actuelle d’écoute°°1°° : les sonorités sont généralement plus modernes, métalliques et avant-gardiste que ce l’on retrouve généralement dans le DS. Lorsqu’on écoute cela en particulier, on a le sentiment de se dire « ce n’est pas du DS, c’est un autre genre musical ». Bien entendu, le Dark Ambient est probablement encore plus vaste que le DS, mais il se dégage un peu l’impression qu’il y a moins de mélodies, plus de répétitions sur peu de notes, plus de drones et de dissonances. Je voulais également souligner que comme pour le Black Metal, le DS est avant tout une musique de l’émotion, et non pas de la technicité. Beaucoup de musiciens s’expriment avec parfois peu de virtuosité ni même de bagage musical, et sont capables par mimétisme ou tâtonnement de produire des œuvres notables et originales, mémorables. Enfin, le dernier point qui rejoint le précédent, c’est que le DS, comme le BM, fonctionne par « riffs », blocs musicaux qui n’entrent pas forcément dans une tonalité précise ou qui suivent les règles de l’harmonie. C’est valable pour le rock en général, mais encore plus vrai pour nos musiques extrêmes. Si on a bien une idée générale de comment le DS peut sonner, il n’y a pas de code pour définir la structure même d’une œuvre DS, comme par exemple pour d’autres formes musicales comme le tango, la salsa, l’hanter-dro breton ou le charleston. Ces derniers sont souvent des danses d’ailleurs, calibrées à 3-4 minutes environ, avec une signature rythmique précise et des codes. Une plus grande liberté caractérise le BM et le DS, on peut avoir des morceaux de 2 minutes et par ailleurs d’autres de 30 minutes, des ambiances médiévales avec des instruments variés, avec plus loin des nappes de clavier denses ou le dénuement d’un simple luth ou d’une harpe. On peut imaginer cette musique comme étant jouée dans un monde alternatif où d’autres critères esthétiques seraient la norme : l’humain moyen du 21ème siècle, habitué à l’//Auto-Tune// des musiques de supermarché et des compil de « //dance// » martelées par les émissions de divertissement à la télévision, qui trouve déjà la musique classique comme ennuyeuse, anormale voire extra-terrestre, ne trouvera pas plus son compte dans le Dungeon Synth. Quoi qu’il en soit, et en conclusion de ce que l’on vient de dire, c’est avant tout l’univers mental de châteaux ou de lieux isolés, reculés, l’imaginaire et le folklore qui prédominent, et ce qui caractérise surtout le DS c’est qu’avec peu de moyens, on peut néanmoins obtenir beaucoup de choses intéressantes, même sans instrument coûteux ou de théorie musicale. Peut-être que ce qu’il faut surtout c’est de l’inspiration et de l’imagination. **M. D. :** //Peux-tu décrire ta découverte du dungeon synth (quand, qui, premières impressions, …) ?// **G. :** J’écoute du Black Metal depuis le début des années 1990, et c’est tout naturellement que j’ai suivi certains musiciens comme Mortiis, Wongraven ou Burzum qui faisaient la part belle aux claviers, voire même où l’album entier était dénué de guitares. À côté des plus connus on trouvait également des projets plus confidentiels, notamment sur les listes de distribution de labels indépendants, parfois en CD, mais plus souvent en K7. À la fin des années 90 j’avais acheté une K7 de Forn Draugost qui m’a fortement marqué par ses mélodies, à la fois simples et riches d’un univers médiévalisant, et surtout hors du temps°°2°°. D’autres projets qui m’avaient inspiré provenaient de Pologne, en particulier Wojnar et Perunwit. Là l’ambiance était plus tournée vers la nature, des clairières en forêt plutôt que des châteaux ténébreux, mais leurs musiques portaient les prémices du DS, en particulier par la présence d’un univers sous-jacent, mondes parallèles imaginés ou tirant leur source dans le paganisme européen. Après un petit hiatus musical où j’ai délaissé à la fois la composition et l’écoute des nouveautés, je suis tombé par hasard sur un album de Murgrind en 2014, et c’est là que j’ai découvert que ce style musical s’appelait dorénavant Dungeon Synth. Cette musique m’inspire et me plaît parce qu’elle représente un refuge contre tout ce qui nous est extérieur et hostile. **M. D. :** //Quelle est ta relation avec le milieu du dungeon synth (beaucoup de contacts/isolé, lien avec le public, activité en ligne, concerts, …) ?// **G. :** Je n’ai pas vraiment de contacts dans ce « milieu », là aussi comme pour le BM je me situe plutôt à la marge d’un genre déjà marginal, et je n’aime pas spécialement socialiser… Je retrouve de temps en temps Stéphane de Maelifell/Arden, et en 2019 on avait rencontré Shelob à la croisée de l’Alsace et de la Lorraine. Quant au public, je n’en ai presque pas, j’échange parfois avec d’autres musiciens ou auditeurs (je n’ose pas parler de « fans »), mais cela s’arrête là. **M. D. :** //Quelle est ta relation avec la scène black metal, et quel est l'impact de celle-ci sur Garvalf ?// **G. :** Avant de composer aux claviers, mon instrument de prédilection était la guitare, et j’ai bien entendu écouté du heavy, thrash, death puis black metal durant les années 90-2000. Puisque l’on parle de « scène », j’ai assisté à quelques concerts, mais je ne me sens pas vraiment dans mon élément dans ce genre de contexte un peu superficiel et bruyant. Bien sûr, les premiers albums d’Ulver, Behemoth, Immortal, Burzum (encore), Satyricon, Dark Throne, Abigor, Sacrilegium, Windir m’ont fortement influencé. Les sorties actuelles en BM m’attirent moins, et à part quelques groupes comme Mgła ou Taake je n’écoute plus grand-chose de nouveau. J’ai en attente quelques riffs de Black Metal que je souhaite mettre en album, mais j’ai l’impression que l’énergie nécessaire pour sa concrétisation est plus complexe à trouver que pour le DS. **M. D. :** //Les artistes et les fans ne s’accordent pas sur une seule histoire du dungeon synth, quelle est ta vision des choses sur les origines et l’histoire du genre (lieu d’émergence, artistes/albums fondateurs, …) ?// **G. :** Je pense que l’on peut s’accorder au moins pour affirmer que la genèse du DS provient du Black Metal. À partir de là, cela exclut les influences hors de ce milieu, à savoir les musiques plus modernes et urbaines comme l’industriel, d’EBM, la techno etc. Je sais que certains musiciens cherchent à mélanger les genres, et même dans les débuts de ce « dark dungeon music », certains projets ont subi d’autres influences liés à leur ouverture sur d’autres genres. Pourquoi pas. Il faut se souvenir également qu’à la même époque que le DS, et également un peu en marge de la scène « indus » se trouvait toute une mouvance de musiques néoclassiques, cold wave, gothique, ou au contraire médiévales où avec ou sans voix on trouvait des musiques classées là aussi « dark ambient » à défaut de mieux, mais qui sonnaient un peu comme le DS a pu être ou devenir, avec beaucoup de synthétiseurs. Je pense notamment à Semper Eadem, The Soil Bleeds Black, Arcana… Il y avait également les groupes signés chez Prikosnovenie (« //heavenly voices// ») ou World Serpent (mais c’était plus « Industriel »). Enfin, bien plus tôt on a également eu des musiques de films comme la splendide BO de //Conan le Barbare// (par Basil Poledouris) en 1982, qui présente un côté « épique » avec des sons orchestraux°°3°°, des timbales, des mélodies mémorables. Un peu plus tard, les musiques de jeux vidéos, souvent ancrées dans l’ //heroic fantasy// et l’imaginaire, reprenaient ce genre de mélodies accrocheuses, mais avec un son dégradé, simplifié. Tout ceci a contribué à forger le son du DS dans ses premières inspirations, même indirectement. Comme pour le black metal, la scène a avant tout émergé en premier en Scandinavie, en Norvège en particulier, pour ensuite se déplacer vers les pays slaves, notamment en Pologne, en tout cas les groupes les plus marquants viennent de là, même si bien entendu cela a essaimé partout dans le monde par la suite. **M. D. :** //Quels sont, selon toi, les artistes et/ou les albums de dungeon synth importants pour chaque décennie (1990, 2000, 2010, 2020) ?// **G. :** - **1990** : Jim Kirkwood, Mortiis (//Født Til å Herske//), Wongraven (//Fjelltronen//), Burzum, Maelifell, Arden, Forn Draugost, Wojnar, Perunwit, kraina bez wiatru, Piorun (//Goreją Wici Wojenne//) - **2000** : //je n’ai pas de référence à donner sur cette période, et je crois qu’il n’y a pas eu grand-chose finalement entre 2000 et 2010…// //Après réflexion, j’ai vu que l’album «// Hardangervidda //» d’Ildjarn / Nidhogg datait de 2002, mais cet album est aussi à la frontière du DS, avec une ambiance plus éthérée.// - **2010** : Murgrind ( //Journey Through The Mountain//), Flaer ( //Granite//), Hole Dweller... - **2020** : Sur ces dernières années j’ai apprécié beaucoup de projets que je ne peux pas forcément tous nommer ici, mais il y a notamment Saturnales, Baddoar et Werna Wolf, j’aime également l’originalité et le parti-pris d’Illusionment, le projet d’Andrew Werdna, ainsi que Traurent. Pour moi depuis 2020 c’est dans la continuité des années 2010… Le nouvel album d’Arthuros vient de sortir aujourd’hui, j’en profite pour le citer, en général ce projet ne me déçoit pas. **M. D. :** //Certains divisent l’histoire du dungeon synth en plusieurs époques/ères/vagues, qu’en penses-tu ?// **G. :** On peut effectivement remarquer qu’il y a deux principales périodes, la première étant le « proto » DS, de 1990 à 2000 environ, avant sa dénomination actuelle, un peu comme le Moyen Âge a été reconnu et appelé ainsi au moment où il s’est terminé, rétrospectivement. On peut voir cette époque comme l’âge d’or du genre, car les musiciens avaient un autre état d’esprit par rapport à maintenant, tout semblait plus spontané. C’était « de la musique d’intro de Black Metal, mais sur un album entier », avec certes des variations d’inspirations (occultisme, folklore), mais avec le recul on peut trouver une sorte d’insouciance dans les compositions. La seconde période, après un hiatus d’une dizaine d’année (que je mets en parallèle avec ma propre pause musicale), se pose à la fois comme la reconnaissance du genre, et sa propre conscience d’être une unité bornée et nommée, aussi cela va influencer le style en bien comme en mal. En bien, car il a pris du recul et se définit comme un genre avec ses propres codes, et en mal car parfois on peut avoir l’impression que le DS actuel va caricaturer l’ancienne période ou se mettre la pression pour sonner « authentique », « //old school// », en référence aux années 1990. Je le fais également d’une certaine façon, je m’en rend compte, mais c’est inhérent au style, pour retrouver ses marques. Au niveau des vagues j’ai l’impression qu’on trouve une certaine séparation entre un DS un peu épique et rentre dedans d’une part, façon champs de batailles ou Conan le Barbare, à la Murgrind (Mortiis a lancé cela dans une certaine mesure), et de l’autre un DS un peu plus intimiste comme ce que l’on retrouve avec Fief ou Hole Dweller (et Burzum etc), un DS de la solitude et de l’exploration d’un univers caché et mystérieux. On trouve également une tendance à vouloir créer des sous-genre au DS, avec des termes comme « Winter Synth », « Forest Synth », « Comfy Synth » et autre « Goblin Synth », et je peux comprendre ce besoin car l’humain aime catégoriser. Néanmoins j’ai toujours trouvé que le DS était intrinsèquement « //comfy// » (confortable), à la fois dans ses sonorités et dans ses implications (je trouve par ailleurs le BM également confortable pour des raisons similaires), et sans revenir lourdement sur ce qui a été évoqué plus haut, une sorte de bulle protectrice contre les vicissitudes du monde extérieur, aussi ce genre de subdivision me semble assez inutile et subjective, puisque le DS c’est tout cela à la fois : les châteaux, les forêts, l’hiver, l’automne, unis dans une sorte de panthéisme réconciliateur. **M. D. :** //Penses-tu que le dungeon synth a une dimension politique ?// **G. :** La politique signifiant l’organisation d’un État ou d’une société au travers du pouvoir, et le DS ayant une force non seulement insignifiante, mais également sans unité idéologique (et même tenaillé par de forts antagonismes), il peut paraître vain de croire que le DS va avoir sa place là-dedans, à part être un des pantins troubles manipulé par les forces politiques. La seule dimension « politique » que je peux voir, c’est celle d’influencer une faible mais nécessaire partie du monde au travers de la beauté de l’art.
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